Une période agitée : la flambée révolutionnaire et les guerres Napoléoniennes (1789-1814)

La flambée révolutionnaire

Une succession de mauvaises récoltes, dans les années 1780, avait provoqué la cherté des prix du grain. Les États de Navarre dressèrent un tableau très sombre du paysage rural en 1788. Une fièvre insurrectionnelle, exacerbée par la disette du printemps 1789, gagnait, inexorablement, tout le pays. Le ravitaillement en grain restait problématique, obligeant la cour générale de Cize à interdire les exportations et la contrebande. Cette exaspération est formulée sur un linteau au 9 rue d’Espagne, sculpté de l’inscription ANDRE.FITERRE LAN 1789 LE FROMENT F(U)T A 15 L(IVRE)S.

La déferlante révolutionnaire eut de très nombreuses conséquences, dont l’instauration d’une nouvelle organisation de l’Etat. Le royaume de Navarre disparut au profit du département des Basses-Pyrénées, associant le Béarn et le Pays basque.

La République fut proclamée le 21 septembre 1792. L’année 1793, représente un tournant. Les pratiques festives consacraient l’avènement de nouvelles valeurs dont le culte de la Raison. Face à cet esprit anticlérical, le patrimoine religieux paya un très lourd tribut, à l’image de l’église Notre-Dame devenue le Temple de la Raison et la chapelle de la citadelle transformée en écurie.

Lors de la séance municipale du 3 juillet 1794, le maire de Saint-Jean-Pied-de-Port proposa la construction d’un autel de la patrie sur la place d’Eyheraberry, pour célébrer les fêtes décadaires. Les Saint-Jeannais participèrent activement à cette entreprise car « jusqu’à la confection de cet ouvrage tous les citoyens et citoyennes de bonne volonté soient invités à se trouver dans cette place à 7 heures du matin jusqu’à midi, et à 3 heures de l’après-midi, jusqu’à l’entrée de la nuit, avec pelles, pioches, brouettes et paniers qu’ils peuvent avoir jusqu’à l’entière construction dudit autel ». Cet autel, en gazon, servira à prononcer des discours et chants patriotiques les jours de décades et à donner au peuple toutes les autres instructions nécessaires. Le 8 août 1794, la municipalité félicitait la Convention pour l’arrestation du « tyran » Robespierre.

Les guerres de la Révolution

Avec la déclaration de guerre à l’Espagne en mars 1793, le Pays basque fut le théâtre d’opérations militaires et ses forces vives furent mobilisées à cet effet. En ces années de guerre, Saint-Jean-Pied-de-Port participa à l’effort commun et connut réquisitions et pénuries. Contrôlant le grand chemin de Pampelune par Orisson et Roncevaux, la citadelle devint le centre d’un vaste camp retranché. Des redoutes furent construites au sommet des collines alentours afin de barrer l’axe de pénétration par le col de Roncevaux.

L’engagement de la France dans ces conflits replaçait la frontière au centre des préoccupations du Génie militaire. Dès le mois d’avril, la zone côtière fut mise à rude épreuve par les Espagnols avec le bombardement du fort d’Hendaye et la prise de Béhobie. A la fin du mois d’avril, l’armée espagnole se dirigea vers Saint-Jean-Pied-de-Port avec l’objectif de s’emparer du col de Roncevaux, Orisson et Château Pignon. En septembre 1793, de violents combats se déroulèrent vers Château Pignon. Les attaques se poursuivirent sur l’ensemble du front durant l’automne et l’hiver 1793-1794, mais l’armée des Pyrénées Occidentales réussit à les contenir. Dès juin 1794, l’offensive française s’organisa avec le double objectif de soumettre les villes de Saint-Sébastien et Pampelune. Fontarabie se rendit le 1er août 1794 et Saint-Sébastien le 5 août. En octobre 1794, une seconde attaque d’envergure fut menée pour s’emparer de Roncevaux et Pampelune. En juin 1795, fut lancée la troisième phase de l’offensive, visant la conquête de la Biscaye avant d’entreprendre celle de la Navarre. Les victoires de Lecumberry et de Villanueva leur ouvrirent les portes de Vitoria, où elles entrèrent le 15 juillet, leur permettant de poursuivre leur progression jusqu’à l’Ebre, avant de parachever la conquête de la Biscaye en prenant Bilbao le 17 juillet 1795. La signature de la paix de Bâle le 22 juillet 1795, interrompit cette marche victorieuse.

Les guerres Napoléoniennes

Grâce à leur aversion commune envers l’Angleterre, l’Espagne et la France restèrent, provisoirement, alliées. Comptant sur l’aide espagnole, Napoléon fixa l’objectif de conquérir le Portugal. L’armée française franchit la Bidassoa, parcourut l’Espagne et put vaincre l’armée portugaise. Profitant d’une crise de succession au trône d’Espagne, Joseph Bonaparte, frère de Napoléon, fut nommé roi d’Espagne. Attentif à cette situation, Wellington et son armée débarquèrent au Portugal le 20 août 1808, bien décidés à défier l’armée impériale.

La contre-offensive victorieuse de Wellington lui ouvrit, dès 1812, le chemin de la capitale espagnole. Joseph Bonaparte perdit le trône et se replia sur la Bidassoa et les cols pyrénéens. Wellington concentra ses efforts sur les Pyrénées. Le 7 juillet 1813, les cols d’Ispéguy et Maya furent attaqués. Face à cette débâcle imminente, l’armée se réorganisa et le maréchal Soult fut nommé commandant. Il arriva à Saint-Jean-Pied-de-Port et installa son quartier général au château d’Olhonce, le 21 juillet. Tout en maintenant une couverture sur la Bidassoa, il décida de rassembler son dispositif à Saint-Jean-Pied-de-Port, nouvelle base d’appui des phases offensives et défensives. Après plusieurs prises victorieuses, la voie de Pampelune était ouverte. La défaite française de Sorauren, du 28 au 30 juillet, marqua l’échec du plan de Soult, qui ordonna le repli des troupes sur la côte.

De retour à Saint-Jean-Pied-de-Port au début du mois d’octobre, Soult constata les carences de la place forte. Malgré les travaux de 1793, la citadelle et ses fortifications proches, défendaient insuffisamment le débouché des Ports de Cize et des vallées de la Haute Nive. Il reprit toutes les préconisations émises antérieurement et élabora le projet de contrôler les routes d’Espagne, de Bayonne et de Pau. Dès octobre 1813, plusieurs fortifications nouvelles, camps, redoutes et batteries, permettaient de barrer tout débouché vers le col de Roncevaux et les itinéraires de Pampelune vers Bayonne et Pau. Malgré ces très importants travaux, la garnison basée sur Saint-Jean-Pied-de-Port n’eut à subir que des attaques ponctuelles, Wellington décidant d’attaquer par la côte basque. Cependant, dès le 16 février 1814, les troupes du général espagnol Mina, assiégèrent la place de Saint-Jean-Pied-de-Port.

Wellington continua sa progression par la côte, obligeant le maréchal Soult à rétrograder sa ligne de défense de la Bidassoa, vers la Nivelle puis la Nive et enfin l’Adour. Face à cette avancée inexorable, Soult décida finalement de rejoindre Toulouse. Il s’y installa le 24 mars 1814 et la mit en état de défense. Fort de ses succès, Wellington engagea la bataille de Toulouse. Dans la nuit du 11 au 12 avril, Soult évacua la ville. Paris avait capitulé le 31 mars et l’armistice fut signé le 18 avril. Les places fortes de Bayonne et Saint-Jean-Pied-de-Port rendirent les armes. Au traité de Paris du 30 mai 1814, la France fut ramenée à ses frontières du 1er janvier 1792.